Mas Delfau : quand Louis Aliot dilapide les biens des Perpignanais au profit de ses amis

Depuis la fin de l’année 2023, la vente du mas Delfau est au cœur d’une polémique. Outre la problématique de l’eau, qui a déjà été dénoncée par un collectif d’association de défense de l’environnement, outre l’aspect délirant du projet, dénoncé entre autres par Agissons 66, le montage financier et juridique pose question.
Après la réunion publique du 13 mars 2024, durant laquelle le sujet a été abordé, il est temps de mettre tout ça sur la table.

Le mas Delfau, vu depuis l’agulla de Fontcoberta

Le projet de la société Hectare et prix douteux

Infographie présentant le projet de la société Hectare (source l’Indépendant)

Lors du conseil municipal d’octobre 2023, une délibération portant sur la vente du Mas Delfau à la société Hectare a été présentée. Celle-ci porte un projet de construction de 10 000 m² de bureaux et la création d’un espace aqualudique dédié au téléski, pour un montant de 18 millions d’euro. Frédéric Gourier, l’élu présentant la délibération, a bien martelé ces « 18 millions ».
Le prix de vente était de 1 million d’euro, ce qui a entraîné une vive réaction de l’opposition. La valeur du bien étant estimée à 2,5 millions.
La délibération a été reportée au conseil municipal de novembre, durant lequel, comme à son habitude, Louis Aliot a fait passé le vote en force.

À partir de ce vote, la polémique autour de ce projet a démarré et l’opposition a commencé à s’organiser.

L’opposition s’organise

À droite la réaction a été assez classique. Un recours a été déposé contre la vente. Les élus LR conteste, à juste titre, le prix de vente. Clairement la valeur des terrains constructibles n’a pas été prise en compte par France Domaine. Le prix est donc trop faible.
Une affaire similaire est aussi en cours à Villeneuve-de-la-Raho, dans le cadre du projet de club de golf. Des propriétaires ont déposé plaintes auprès du procureur de la République, notamment détournement de fonds et favoritisme.

À gauche, ce sont les associations de défense de l’environnement qui ont organisé la lutte, en partenariat avec de syndicats et des partis politiques.
Un manifeste a été publié et deux rassemblements sur le site ont été organisés. Le premier pour avait pour but de mettre le problème sur la place publique, le deuxième servait à réaliser des photos et des vidéos pour montrer le ridicule du projet.
Le premier rassemblement a permis d’avoir un peu de couverture médiatique, ce qui a été difficile, tant tous les regards se portaient sur le golf, le deuxième a permis de réaliser un événement festif, totalement improvisé, qui a permis de renforcer les liens entre de nombreux collectifs et associations, réunis notamment autour des problèmes de l’eau.

On notera que dans le milieu politique le projet fait l’unanimité contre lui. Seule la France Insoumise a refusé de s’associer à l’organisation de la lutte, malgré plusieurs invitations de ma part à Francis Daspe (responsable départemental) et un coup de fil à Hugo Mazouz (un des responsables des Jeunes FI), et n’a signé le manifeste qu’après que j’ai demandé aux Soulèvements de la Terre de les faire signer. Outre la bêtise crasse dans laquelle les leaders locaux de la FI se vautrent depuis l’explosion de la NUPES, et un conflit personnel avec Bibi (ils ne supportent pas que j’ai publiquement critiqué le mépris de classe, et je reste poli, qu’ils affichent vis-à-vis des habitants des quartiers NPNRU et notamment des gitans, que ce soit à Saint-Jacques ou à la Cité Bellus, respectivement le premier et le troisième quartier les plus pauvres de France), la FI à Perpignan refuse de prendre à bras-le-corps les problèmes locaux, espérant arriver aux affaires par une « vague nationale », façon top-down.
Les petits-bourgeois, voire les petits-blancs pour certains, sont généralement prévisibles, donc on ne s’étonnera pas de ce naufrage intellectuel et politique.
En 2026, quand il va falloir parler du Contrat de Ville, des toxicos qui se shootent sous les réverbères (ce qui pousse les habitants de certains quartiers à demander que la mairie éteigne l’éclairage public), des SDF qui se prostituent parce que la police municipale les empêche de faire la manche, etc., la tête de liste FI la va sacrément déguster.
Mais bon, on n’est pas là pour critiquer ceux dont l’ambition est de se faire fesser cul nu en place publique.

La présentation lors de la réunion publique du 13 mars 2024

Eau et sous-investissement

L’agulla de Fontcoberta en mars 2024. L’eau doit y être puisée pour remplir les bassins.

Avant de parler argent, parlons du projet d’Hectare, et de pourquoi il ne tient pas la route.

Le projet peut être divisé en trois parties : la construction de 10 000 m² de bureaux ; la destruction du corps de ferme ; le creusement de bassins dédiés au téléski. Le budget total est de l’ordre de 18 millions d’euros.

Commençons par les bureaux. Cette partie à elle seule suffit à montrer l’ineptie du projet.
Le prix du m² est compris dans une fourchette allant de 1 500 à 2 000 €, 10 000 m² coûteraient donc à minima 15 millions d’euros. Il en resterait donc 3 pour réaliser tout le reste. C’est tout sauf crédible.

Pour le corps de ferme, la destruction est une évidence. Le promoteur n’a pas les moyens de réhabiliter le bâtiment. La société Hectare peut promettre de ne pas le raser, avec « seulement » 18 millions elle ne pourra faire autrement.

Pour l’eau, deux problèmes se pose : la sécheresse qui devient l’état normal des Pyrénées-Orientales et les cyanobactéries.
Pour la sécheresse le promoteur a prévu des techniques « innovantes », mais mis à part de l’eau en poudre quand les agulles sont vides, l’innovation c’est compliqué.
Pour ce qui est des cyanobactéries le problème est totalement passé sous silence. Pourtant le problème est réel, le lac de Villeneuve-de-la-Raho, qui comme le projet du mas Delfau, prend son eau dans le canal de Perpignan, connaît fréquemment un problème de pollution aux cyanobactéries. La présence de ces bactéries interdit toutes activités aquatiques. Dans le cas, très probable, où les futurs bassins du mas Delfau connaîtraient ce type de pollution, l’espace aqualudique devrait fermer. Le risque, financier notamment, est réel. Réel, mais, clairement, non pris en compte.

L’analyse du projet ne peut qu’aboutir à une conclusion faible : il n’a ni queue ni tête.
Et quand on se penche sur le contrat de vente, on comprend vite pourquoi.

Clause de cession

L’entreprise Buldu Gondon Promotions, avenue Éole, à deux pas du mas Delfau

L’avantage d’être ouvert d’esprit et à l’écoute c’est qu’on finit toujours par créer des réseaux. C’est donc par ce moyen que les informations les plus pertinentes finissent par arriver. Un coup de téléphone, même pas sollicité, et hop, le fond de l’affaire est là, bien visible.
Tout comme Dirk Gently, Hercules Calçot, c’est un détective holistique. Un simple élément, et tout est connecté. Un tout petit détail, et le saumon du doute disparaît en remontant les rapides. Bon, là d’accord, j’exagère, j’ai pas lu le livre.

Toujours est-il que le contrat de vente, qui n’est pas franchement public, ce qui explique que l’information n’est pas fuitée, contient une clause de cession. Et en faveur de qui est-elle ?
De la société Buldu Gondon Promotion !

Si cette société n’est pas inconnue dans le monde économique, elle a notamment porté un projet de logements sociaux à Bompas dont la spécificité était d’utiliser du béton recyclé, elle est aussi connue dans le milieu politique.
En effet, certains des cadres de cette entreprise ne sont pas juste proches du RN, ils sont aussi donateurs !

En clair, Louis Aliot permet à une société gérée par des proches, politiquement, de se constituer une sacrée réserve foncière, à moindres frais, sur le dos du contribuable. En pratique, le projet d’Hectare ne pouvant aboutir, l’obtention du permis d’aménager et un éventuel changement du PLU s’annoncent plus que difficile, le promoteur montpelliérain n’aura plus qu’à revendre à Buldu Gondon Promotion. La ristourne de 1,5 millions d’euros rendant l’opération financièrement possible.

Le patrimoine de Perpignan est dilapidé au profit de quelques entrepreneurs sans envergures, proche de l’extrême droite locale. Si la situation, tant économique que écologique, n’était pas catastrophique, cela serait juste risible.

Conclusion

L’ASPAHR finit son communiqué sur le mas Delfau ainsi : Il est inadmissible qu’un tel ensemble architectural et historique soit dénaturé.
Perpignan, ou du moins la paroisse Saint-Jean, va fêter son millénaire en 2025. Louis Aliot commence les festivités en détruisant le patrimoine perpignanais dans le but d’aider des « amis » à s’enrichir. Vous me direz, question valeur chrétienne, Loulou est sacrément à côté de la plaque. On évitera d’ailleurs de lui parler de François d’Assise, fondateur légendaire du couvent des Frères mineurs dans le quartier Saint-Mathieu, il pourrait mal le prendre. Après tout, pour ce genre d’élu, la religion n’est qu’un outil politique comme un autre, et le patrimoine, une ressource à piller.
Les valeurs chrétiennes sont totalement absentes des décisions municipales.
Par contre celles des Philistins sont bien présentes.

L’équipe municipale montre dans cette histoire son affairisme, son incompétence pour les sujets économiques, son mépris de l’histoire de Perpignan, et, son absence de sens moral.
Sur le plan légal l’affaire du mas Delfau est peut-être inattaquable, ce n’est pas à moi de le dire, je ne suis pas juge, mais sur le plan moral, pour citer Fouché, « c’est pire qu'un crime, c’est une faute. »

Sources et liens

Ajouter un commentaire

Le code HTML est affiché comme du texte et les adresses web sont automatiquement transformées.

La discussion continue ailleurs

URL de rétrolien : http://blog.philippe-poisse.eu/index.php?trackback/348

Fil des commentaires de ce billet