Parc à thème : la folie sans la grandeur

Le vendredi 15 septembre 2023 ne fut pas juste le 388e anniversaire de la colonisation de la Martinique par Pierre Belain d'Esnambuc, le vendredi 15 septembre 2023 fut aussi le jour où l’Indépendant annonça le retour du projet de parc à thème que Louis Aliot a promis lors de la campagne municipale de 2020.
Cette petite annonce est l’occasion de rappeler la médiocrité des « analystes » locaux et de traiter le sujet sur le fond.

Infographie de présentation du projet porté par Studio d’Occitanie Méditerranée

Médiocrité, onanisme mental et autosatisfaction

Commençons ce billet par une pique contre le « nanocosme » perpignanais. Après tout, c’est lui qui a permis, par sa médiocrité et sa veulerie, à Louis Aliot de gagner la mairie. Et ce nanocosme est bien parti pour l’aider à gagner dès le premier tour en 2026.

L’article de l’Indep’ ne donne pas beaucoup d’information, mais ce n’est pas tellement le rôle de ce quotidien de faire du fond. La PQR n’est pas là pour ça. C’est plutôt aux blogueurs locaux, aux « think tank » et aux associations de faire du fond.
Et c’est là que le bât blesse.

Plus grand monde ne réagit lorsque Louis Aliot balance une info, quelle qu’elle soit. Et les réactions sont souvent pathétiques.
On ne prendra que deux exemples. Sinon on n’en sortira pas.

Quand on n’a rien à dire, il vaut mieux se taire

D’abord le « tout sauf attendu » communiqué de presse de l’OCQV (le think tank local de la FI). Comme d’hab’, ça tombe à côté de la plaque. Tu vises Odessa, tu frappes la Roumanie. Un savoir-faire d’artilleur russe. Franchement, vu la situation à Perpignan, que ce soit d’un point de vue global ou du point de vue de l’état de la gauche, on aurait préféré l’habileté et la malice d’un opérateur de drone ukrainien.
« Selon le premier édile, le projet pourrait débuter en 2027 ; cela tombe bien, nous avons une échéance électorale en 2026. »
Vous le voyez le souci ?
Non ?
Je vous explique.
L’article de l’Indep’ cite Louis Aliot : « Et si tout va bien, la pose de la première pierre pourrait avoir lieu en 2025 pour une ouverture du parc en 2027. »
Le permis d’aménager, tel que prévu par l’article *R421-19 du Code de l’urbanisme, devrait donc être délivré en 2025, dernier carat. Décidant de prendre le dossier à bras-le-corps en 2026, la FI annonce s’engager après la bataille.
Vous me direz y’a moins de risque.

On m’objectera que la gauche s’en fout des municipales 2026 à Perpignan. Aliot a gagné d’avance, pourquoi se faire chier à analyse la situation, créer des réseaux et des relais dans les quartiers, bâtir un programme et aller le défendre dans la rue ?
Les partis de la NUPES ont laissé tombé l’affaire. Les partis hors NUPES bossent avec la mairie, notamment sur le projet de 40 démolitions à Saint-Jacques. La droite et le centre sont atomisés.
There is no alternative, baby !

Real stupidity beats artificial intelligence every time

Pour ceux qui ne connaîtraient pas le bonhomme, introduisons le blogueur politico-gastronomico-fainéanto local, j’ai nommé Nicolas Caudeville.
Et là, son article entre parfaitement dans la catégorie « encéphalogramme plat ».

« Il ne semble pas qui nous a dit avec qui et quoi et pourquoi des investisseurs mettraient des millions là-dedans, lorsque la mairie n'a pas été foutu de faire une radio gitane »
D’abord notons que le gus devrait se relire.
Ensuite, quand on discute avec Loulou via WhatApps quasiment tous les jours, les infos techniques on peut facilement les avoir. Il suffit de savoir poser les bonnes questions.
Avec un peu d’écoute active, le premier crétin venu peut y arriver. Y compris s’il est membre de l’Alternative.
C’est dire.

Mais reconnaissons que le gugusse est assez stupide pour croire, et écrire, que l’ami Émile Mustacchi est un « pornographe ». C’est dire s’il prend ses délires pour des réalités.

Petit aparté sur la « radio gitane ».
Il y a deux ou trois ans, je lui ai dit que s’il veut que ce projet aboutisse, il faut un porteur de projet. Et un porteur de projet ce n’est pas un gugusse avachi dans son fauteuil qui demande aux autres de bosser à sa place. Ça, c’est juste une feignasse qui ne fait que mettre en avant ses lubies.
Un porteur de projet, ça se sort les doigts du cul et ça bosse.

En attendant l’arrivée d’un porteur de projet, la radio gitane, ce n’est que du vent.

Mais revenons au dossier du jour, voulez-vous.
On ne sait pas qui est le porteur de projet pour le parc à thème, ni pourquoi des investisseurs mettraient 500 millions à Perpignan. Du moins le prétend-il.
Un dossier de présentation contient des « éléments de langages », c’est-à-dire des formules toute faites, facilement réutilisables.
Vous voulez savoir qui est le porteur de projet dans le cas présent ? Une simple recherche sur internet et vous avez son nom.

Et, si en plus, vous suivez l’actualité régionale, et notamment celle des parcs à thème, vous n’avez même pas besoin de chercher.
Le projet présenté par l’Indep’ reprend les éléments de langage et l’argumentaire du projet de parc à thème qui aurait dû s’installer au domaine de Bayssan, en périphérie de Béziers.
C’était tellement facile à trouver, qu’il est normal que personne dans le nanoscope perpignanais n’ait fait le rapprochement.
Et surtout pas l’ami Nicolas Caudeville, sans doute occupé à organiser des débats, dénués de toute forme de pertinence, entre Lolo Gauze et JB Mathon.

Le projet de parc à thème porté par Studio d’Occitanie Méditerranée

Lorsque l’on suit l’actualité des concertations et autres enquêtes publiques, on finit toujours par tomber sur des projets « intéressants », ne serait-ce que d’un point de vue intellectuel.
C’est donc de cette manière que je suis tombé il y a quelques années sur un projet de parc d’attraction, autour du cinéma, qui devait ouvrir à Béziers. Le lieu ciblé était le domaine de Bayssan.

Le projet est porté par Bruno Granja et a déjà fait pas mal parler de lui.
De nombreux articles sont disponibles en ligne et illustrent les évolutions du projet.
En fonction de la situation, le thème oscille entre cinéma et jeux vidéos, deux industries extrêmement proches, tant d’un point de vue technique que d’un point de vue économique. La superficie nécessaire au projet s’est aussi réduite en cours de route. Au démarrage, près de 150 hectares étaient nécessaires, à l’arrivée seulement 40 suffisaient. Le nombre d’emplois que ce parc devait créer a aussi varié. Il a fini à 500.
Le nombre de visiteurs a lui toujours été aux alentours de 2 millions par an.

Empêtré dans les guéguerres politiques héraultaises, qui ne volent pas plus haut que celles des Pyrénées-Orientales, et, sans doute, avec un dossier moins bien ficelé que ce que son promoteur ne le laisse entendre, le projet est tombé à l’eau début 2023. Le Conseil départemental a bloqué la vente des terrains.
Sur sa page Facebook, la société a annoncé avoir saisi la justice, sans doute pour récupérer une partie des fonds nécessaires aux études préliminaires et autres investissements.

Les différents chiffres qui circulent, les éléments de langages utilisés, laissent penser que le projet que Louis Aliot a en tête serait une reprise du projet de Bruno Granja.
En attendant les détails et une possible confirmation de cette intuition, ce projet va se heurter à pas mal de barrages.

Marche à suivre et autres tracasseries

Emprise possible du projet de parc à thème

Pour délivrer le permis d’aménager et éviter de le voir être annulé par le tribunal administratif, la mairie devrait régler quelques formalités.
Vous me direz que ce n’est rien de bien méchant, et vous aurez sans doute tort.

Commençons par le début, une fois n’est pas coutume.

La zone choisie, coincée entre le Serrat d’en Vaquer et la RD900, est classée « agricole » dans le plan local d’urbanisme (PLU) de Perpignan. Or, un parc à thème dédié au cinéma, ou à autre chose, n’entre pas dans la catégorie « activité agricole ». Pour permettre la construction de bâtiments, on parle notamment de studios de cinéma, il faudra donc changer le zonage.
À priori, une ZAE, une zone dédiée à l’activité économique, devrait suffire.
Il faudra donc passer par une révision du PLU, ce qui implique une phase de concertation, une enquête publique, et, bien évidemment, un certain nombre de recours devant la justice administrative.
Cette révision devra être réalisée assez rapidement, la nouvelle mouture du SCOT devant arriver vite, et peut tout à fait empêcher le changement de zonage. En effet, Perpignan dispose de plusieurs centaines d’hectares de zones d’activités économiques non encore aménagées, les ZAE0. Ces zones sont prioritaires, en termes de droit de l’urbanisme.

La difficulté majeure est liée à la demande de la population de défendre les zones agricoles. Transformer une zone agricole en un parc d’attraction va entraîner une forte hostilité, et pas seulement de la part des mouvements écologistes. L’artificialisation des terres ne passent plus. Et le projet, vu la situation économique actuelle, n’est pas franchement emballant. Le secteur des parcs à thème n’est pas en croissance, ce n’est peut-être pas le moment d’investir lourdement dedans.
Les recours et les manifestations sont déjà annoncées, et mis à part le sempiternel chantage à l’emploi, l’équipe municipale n’aura rien à répondre.
Le promoteur non plus, d’ailleurs.

Autre point, plus technique, qui posera de sacré problème : l’eau !
2 millions de visiteurs ça consomme de l’eau. Et le département connaît déjà des sécheresses chroniques et rien ne laisse penser que dans les années à venir la situation va s’améliorer. Le promoteur devra donc présenter un dossier sérieux concernant la consommation d’eau.
En juin 2023, la préfecture a déjà retoqué la création d’un lotissement à Torreilles pour manque d’eau. Sur le sujet de l’eau, le ton est monté !

Pour finir, regardons le petit « effet de bord » que provoquera à coup sûr ce projet : la congestion de la RD900 !
Cette route est déjà saturée, avec plusieurs dizaines de milliers de véhicules par jour. À cela il faut rajouter le projet « Saint-Charles 2040 », qui, ne prévoyant aucun aménagement ferroviaire, entraînera une augmentation conséquente du nombre de camions sur cet axe.
Le foncier est disponible dans cette partie de Perpignan, et la création d’une nouvelle route par le Conseil départemental est tout sauf probable.
Là aussi, le promoteur a intérêt à fournir des arguments solides.

Après une analyse, rapide, de ce dossier, on peut se dire que le lancement des travaux en 2025, pour une ouverture en 2027, relève du vœu pieux.

Les métropoles barbares

On s’est bien amusé sur la forme, maintenant attaquons le fond. Parce que là aussi il y a des choses à dire. Et c’est un poil plus subtil que ce que les think tanks locaux produisent.
Dans son livre « les métropoles barbares », paru en 2018, Guillaume Faburel dresse le portrait de la ville « souffrant » de métropolisation. La première partie du livre décrit parfaitement les politiques à l’œuvre dans des centaines de villes, de taille moyenne comme Perpignan, ou plus conséquentes, comme Bordeaux ou Lyon. Dans le cas de Perpignan, les grands axes de la politique d’Alduys et de Pujol sont clairement présentés. Sauf que l’auteur ne parle pas de Perpignan. C’est dire si les anciens élus ont repris tout, ou presque, de ce qui se fait ailleurs.
On évoquera donc, pêle-mêle, la gare TGV en centre-ville, le théâtre de l’Archipel, le projet de quartier d’affaires à Saint-Assiscle, l’écoquartier du Pou de les Colobres. Tous ces projets se retrouvent, peu ou prou, dans toutes les villes qui décident de se lancer dans le marketing territorial et la concurrence entre « métropoles ».
Ne manquait à l’appel que le parc d’attraction.

Louis Aliot, comme le RN d’ailleurs, s’inscrit clairement dans ce phénomène de métropolisation. Ce n’est en rien étonnant, si on considère que le gros de la classe politique française, et sans doute occidentale, est totalement incapable de comprendre la situation actuelle et les changements qui sont en train de refaçonner le monde occidental.
De la part d’un responsable d’un parti extrêmement conservateur et dénué d’une vision d’avenir, pour ne pas dire passéiste, cet état d’esprit n’a rien de surprenant. Un investissement de près de 500 millions d’euros s’amortit sur des dizaines d’années, et rien de laisse penser que d’ici 20 à 30 ans le tourisme sera aussi « florissant » qu’aujourd’hui.
Le département s’est vu imposer le tourisme de masse par la Mission Racine. En 60 ans, des dizaines de millions de personnes sont passées dans le coin, et, pourtant, le département est l’un des plus pauvres de France.
Ce projet de parc à thème aurait eu du sens dans les années 80 ou 90. Il arrive beaucoup trop tard.

Le marché est « mature », c’est-à-dire que son taux de croissance est faible, et la concurrence féroce. Seule une quinzaine de parcs dépasserait la barre des 250 000 visiteurs par an. Le projet de Perpignan table sur 2 millions !
On part clairement sur un échec annoncé. Surtout que la mairie n’a pas encore parlé d’une éventuelle étude de marché.
Le seul intérêt de ce projet serait de passer 30 hectares en zone constructible, d’attendre une vingtaine d’années que le parc fasse faillite, et, via une SCI ou une structure du genre, de tout revendre à des promoteurs immobiliers.
La plus-value est certaine, et, sans aucun doute, importante.

Un dernier point, qui illustre bien les problèmes de myopie de Louis Aliot.
Courant 2024, la société Pic Studio doit ouvrir un complexe de plus de 16 000 m² à Montpellier dédié au cinéma. Ce projet de 185 millions d’euros est soutenu par les collectivités territoriales et l’État dans le cadre du plan France 2030.
Il faut peut-être y voir là la cause de l’échec à Béziers.
Et aussi une raison du refus de cofinancement du Département, de la Région et de l’État. Refus qui arrivera vite, dès le plan de financement du projet perpignanais rendu public.
Les Pyrénées-Orientales, et Perpignan, devrait copier le modèle de Gérone et s’orienter principalement vers les tournages en extérieur.


To see with eyes unclouded by hate

Entre autres choses, les municipales 2020 m’avaient marqué par l’absence de débat économique. Chaque tête de liste venait avec sa petite lubie, sans envergure ni argument. On a son petit rêve, son petit doudou, et on le sort en public lors des débats.
Les candidats étaient médiocres, mais bon, on a les candidats que l’on mérite.

Depuis 3 ans le développement économique, le développement social, l’emploi et la précarité ne semblent pas avoir été une priorité pour les élus, quel que soit leur bord. Les partis politiques locaux ont lâché l’affaire il y a longtemps déjà. Louis Aliot, qui finalement est un politique « comme les autres », n’a rien à proposer sur le plan économique, sur le plan social et sur le plan de l’emploi. En même temps, il n’a toujours pas pu mettre en avant un « grand projet » pouvant marquer Perpignan de son empreinte.
Un parc à thèmes de 30 hectares, coûtant la bagatelle de 500 millions d’euros, aurait été parfait.
Malheureusement, il est fort probable que ça n’aurait pas lieu.

En attendant l’enterrement du projet de parc à thèmes, « sans croix ni rien sauf pour la frime un chien, croque-mort du hasard », il ne faudra attendre strictement aucun discours sur l’économie. Au mieux, des logorrhées viendront ponctuer les discours philistins et convenus de nos politiques locaux.
La sécheresse, qui devrait devenir chronique, va avoir un impact négatif assez terrible sur l’emploi dans la filière agricole ; le tourisme de masse, voire le sur-tourisme, ne permet pas de sortir le département de la pauvreté, les dernières 60 années l’ont prouvé ; les zones commerciales sont à bout de souffle, et il n’y aura pas de « nouvelle vague » ; les plateformes logistiques échoueront à créer et redistribuer de la richesse, de la même manière que tout ce qui a été fait depuis les années 60.
Il est temps de passer à autre chose. De se mettre autour de la table et de bâtir un projet ambitieux pour Perpignan et les Pyrénées-Orientales.

Malheureusement, ce n’est pas Louis Aliot qui lancera ce travail de fond.
Il préfère rêver à son parc, tout en faisant son cinéma.

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