Formation professionnelle continue

Des fois, faut éviter les vides. Savoir redémarrer en côte, et se lancer dans quelque chose d’autre.
Donc là, je retourne dans le petit monde de la formation professionnelle continue. Un contrat de 950 heures, ou à peu près, en poche, une paye au lance-pierre, je bosse comme formateur en développement Web. Et ça confirme ce que je pense de ce secteur d’activité : un truc ne tourne pas rond.

Mobilis in mobile

Là, et, franchement, je ne sais ni comment ni pourquoi, je suis dans un trip « Harry Belafonte », donc, forcément, j’écoute des histoires de bateaux et de bananes. Et, forcément aussi, je me retrouve à me dire : « t’en connais des chansons qui disent du bien du salariat ? »
Et la réponse est : Non !
Mais, bon, j’suis pas spécialiste.
Alors, on sera d’accord avec Karl Marx, le salariat c’est un truc à abolir.
Mais, il faudra aussi être d’accord avec La Boétie, la « servitude volontaire », c’est une plaie.
Au moins avec l’esclavage, c’est plus carré. Le travailleur est une marchandise et n’a pas de droit. C’est clair, c’est net, c’est assumé.
Dans le salariat, le travailleur est une marchandise et n’a pas de droit. Mais personne, et surtout pas les salariés, ne veut regarder la vérité en face.

« Le salariat c’est bien ! » est une croyance. Un peu comme le Père Noël, la vie après la mort, une victoire du PSG en Champions League, etc. Et pour qu’une croyance tienne la route sur la longueur, face à un déni total de la part de la réalité, il faut des promesses. Dans le cas du salariat, il n’y a qu’une seule promesse : faire carrière !
Oui, avec de la volonté, du travail, de l’abnégation, vous pouvez monter dans la hiérarchie. Pour certaines personnes, c’est limite de la « magie ». Et pour progresser, il est nécessaire de suivre des formations. Tous les salariés ont donc droit à la « formation professionnelle continue ».
Las, une entreprise est une pyramide, la majorité des salariés est en bas, voire tout en bas, très peu sont en haut, et encore moins montent. Seuls les cadres peuvent espérer monter. Et qui profitent le plus de la formation continue ? Les cadres !

Le système est par essence biaisé. Les mieux formés sont ceux qui ont le plus accès à la formation. Et très peu de salariés sont en mesure de choisir leurs formations.

Pourtant tout le monde cotise !

Les esclavagistes ne faisaient pas miroiter des vagues massives d’affranchissement.
Le patronat moderne est un poil plus lâche. Il ne s’assume pas.

Des bourgeois et des cochons

Ça fait 15 ans ou presque que je m’intéresse au secteur de la formation continue.
Ça fait 15 ans ou presque que j’entends des décideurs, politiques surtout, dire et faire n’importe quoi à propos du secteur de la formation continue.
Entre la mise à mort des OPCA par Nicolas Sarkozy ou les clowneries de Laurent Wauquiez, les scandales et polémiques autour de la formation professionnelle continue sont légions.
En ce moment, décembre 2022, c’est le CPF qui est au cœur de la tourmente.
La formation continue coûte cher et l’État cherche à minimiser les frais.

On notera aussi que les décideurs politiques sont eux-mêmes peu consommateur de formation. À part à l’extrême droite, qui est clairement engagée dans la bataille pour l’hégémonie culturelle, peu de partis ont mis en place des organismes de formation pour les militants.
Si de prime abord on peut comprendre que les partis politiques tirent un réel avantage à disposer de militants peu et mal formés, ce qui évite qu’ils comprennent les incohérences des discours et des programmes, il faut bien admettre que la bourgeoisie, qui constitue le gros des décideurs politiques, est peu disposée à favoriser la formation. Surtout quand celle-ci s’adresse au « peuple ».
Si le populo monte en compétence, les rapports de domination et les mécanismes de reproduction de classes vont en pâtir.
Franck Lepage explique tout cela bien mieux que moins, je vous invite donc à regarder ses vidéos.

Le petit monde de la formation professionnelle continue est donc un angle mort du discours politique.
Le CPF, comme le DIF avant lui, est perçu comme une sorte d’impôt indirect bien déguisé. Et personne ne s’insurge.
Mais, après tout, à part les pauvres, qui est pénalisé dans l’histoire ?

À défaut de chanter l’argent, on chantera la nuit

Et dans le fond, c’est extra.
Ou pas.
Oui, oui, je sais, la référence est déplacée, mais c’était ça ou « argent trop cher ».
Chienne de vie !

La formation continue ça brasse du fric. Beaucoup de fric. Dans les 30 milliards par an, d’après l’INSEE. Avec les cotisations sociales, les budgets internes des entreprises, et, ce que de nombreux travailleurs (en poste ou au chômage) payent de leur poche, on doit pas être loin des 40 milliards.
Et 40 milliards, c’est pas bien loin de ce que coûte l’Éducation nationale.
Et ouais, y’a du fric dans le système ! Et pas qu’un peu.
Mais, il n’y a pas que les Moody Blues qui s’en balancent. À peu près tout le monde s’en balance en fait.
Toi aussi, ami lecteur, tu t’en balances. Pourtant il s’agit de tes impôts, de tes cotisations sociales, voire de ton avenir.

Malgré cette manne financière, tout le système est précaire, mal organisé, et, décrié. Sans que personne ne propose une réforme de fond.
La bourgeoisie n’en a pas besoin. Le patronat n’en a pas besoin. La classe politique n’en a pas besoin.
Seuls les travailleurs, principalement les plus pauvres, les plus précaires, les plus fragiles, les plus vulnérables, en ont besoin.
Il ne se passera donc jamais rien de positif.
On laissera juste le système continuer à s’effondrer ; on laissera juste les pauvres crever ; on pensera, activement, à regarder ailleurs. On fera comme d’habitude. On a pris le pli. On sait faire.
Mais les Dieux des granits n’ont pas pitié de notre vocation de parure.
Comme l’honneur, ils ont perdu patience.
Il ne nous restera plus qu’à crever, qu’à mourir « Sans qu’on ait inventé ; Les roses éternelles ; La journée de deux heures ; La mer à la montagne ; La montagne à la mer ; La fin de la douleur ; Les journaux en couleur ; Tous les enfants contents ; Et tant de trucs encore ; Qui dorment dans les crânes Des géniaux ingénieurs Des jardiniers joviaux Des soucieux socialistes Des urbains urbanistes Et des pensifs penseurs ; Tant de choses à voir ; À voir et à z-entendre ; Tant de temps à attendre ; À chercher dans le noir »

En attendant, dans le port de cette nuit, on tangue, et on vient mouiller.

Et, pour finir en musique, juste comme ça, parce que celle-là, je l’aime bien aussi.

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