Louis Aliot lance sa campagne 2026

Meeting de Louis Aliot

Mercredi 9, je me fais virer d’une association pour avoir critiqué publiquement Perpignan Autrement et le Conseil départemental (la « gôche sectaire », comme on dit).
Jeudi 10, je vais me remonter le moral en allant à une réunion de droite. Sur le coup, j’ai le choix entre la droite républicaine (100 % Perpignan) et l’extrême droite (Louis Aliot).
Louis Aliot lance tout à la fois une campagne nationale, en vue de 2027, et une campagne municipale, en vue de 2026, l’évènement est donc important, donc autant y aller.
Ce sera l’occasion d’un premier billet d’une série dédiée aux municipales 2026.

Un peu de contexte

Le 31 mars 2025, Marine Le Pen ainsi que plusieurs cadres du Rassemblement National ont été condamnés dans le cadre de l’affaire dite des assistants parlementaires du RN. Marine Le Pen écope de 4 ans de prison, dont 2 avec sursis, de 100 000 € d’amende et, c’est le point remarquable de cette affaire, de 5 ans d’inéligibilité.
Je ne vais pas revenir sur l’analyse de fond de cette décision de justice. Des juristes largement plus compétents que moi ont déjà écrit sur le sujet, et la décision faisant 154 pages, je n’ai pas envie d’entrer dans les détails. Je reviendrais juste sur la façon dont Louis Aliot présente la décision un peu plus tard.

Cette décision de justice empêcherait Marine Le Pen d’être candidate en 2027 à l’élection présidentielle. Or, il est fort probable qu’elle soit au second tour, et ses chances de l’emporter sont réelles. Le RN, parti dans lequel les personnes semblent plus importantes que le programme, ne peut se permettre de perdre son leader si près d’une échéance aussi fondamentale. Une campagne pour dénoncer cette décision de justice est donc lancée. Elle préfigure la campagne présidentielle que mènera le RN.

Louis Aliot, lui aussi condamné à 18 mois de prison dont 6 mois ferme sous bracelet électronique, 8 000 € d’amende et 3 ans d’inéligibilité, joue aussi son avenir, tant à la mairie de Perpignan, gagnée en 2020, qu’au Conseil départemental, qu’il a intégré en 2022. En cas de confirmation de son inéligibilité, il ne pourra récupérer son poste de maire qu’en 2032, dans le meilleur cas. Pour le département ce pourrait être en 2033.

Le RN, et ses responsables, se retrouvent dans une situation qu’ils ne semblent pas avoir anticipé et sont contraints de prendre des postures agressives pour occuper le terrain. La stratégie de communication va tourner autour du thème de la victimisation (le système cherche à détruire le RN coûte que coûte).
Ce discours devant être largement relayé, des manifestations et des réunions publiques doivent être organisées.

On en arrive donc au meeting de Perpignan, du 10 avril 2025.

Déroulé

D’après le site ouillade.eu le meeting aurait réuni 500 personnes. D’après François Dussaubat, qui se trouvait près de la place où j’étais, ce serait plutôt 700 personnes. Pour un événement organisé en quelques jours, le score est honorable.
On comparera au 200 manifestants, d’après l’Indépendant, réunis à l’appel des syndicats et des organisations de gauche pour dénoncer les attaques du RN contre la Justice.
Clairement, à Perpignan, la gauche n’a pas d’espoir à avoir à court terme. On récolte ce que l’on sème, dira-t-on.

Le Palais des Congrès à moitié vide
Le Palais des Congrès à moitié vide

Petit point sur la scénographie : c’est fade et ça ne vole pas haut.
Certes, les partis politiques ne sont pas connus pour leur originalité. Certes, le public était plutôt âgé. Certes, tout a été organisé dans l’urgence. Mais un petit effort de temps en temps ça serait sympa. Surtout pour les gens qui vont devoir se taper plusieurs dizaines de réunions, meetings et rencontres histoire de chroniquer la campagne 2026.

Hors-d’œuvre

Marcel n’étant pas disponible, pour chauffer la salle quatre conseillers municipaux se sont relayés.

Rappelant que la politique est une guerre de tous les instants, Frédéric Gourier a lancé la soirée en traitant l’angle local. Outre un éloge du patron, qui a rétabli la vérité sur l’histoire de l’Algérie (rien que ça) et qui fait rayonner Perpignan à l’international (notamment au Tchad), les attaques contre l’opposition municipale (comprendre contre Bruno Nougayrède) ont été nombreuses. Un bon point tout de même pour avoir noté que le « repli sur soi » est un « mal profond » dans les Pyrénées-Orientales.
Puis Xavier Baudry a attaqué la politique régionale. Carole Delga et la fusion des régions voulue par François Hollande dans le viseur, son œuvre au sein du Conseil régional a été mise en avant. Ce fut donc plutôt court comme intervention. Saluant en Louis Aliot, qui incarne tout à la fois l’espoir et l’enracinement, il a fini sur une note optimiste, ou supposée telle, en affirmant que rien n’arrête un peuple en marche. C’est dire s’il y croit !
Avec un peu plus de hauteur, Sophie Blanc a traité le national. Elle a donc attaqué la presse, affirmant que le « baromètre c’est les gens » et non l’opposition ou les médias. Puis elle a cogné sur les députés et les ministres, parlant, sans grande surprise ou imagination d’ailleurs, de décalage entre ces gens et le monde réel. Pour conclure, elle a critiqué, sans les nommer expressément, « l’équipe de corrompus » qui saccage le pays depuis 30 ans avec l’aide du bloc central.
Et enfin, André Bonet a,…, fait du André Bonet. Désolé, mais arrivé à un certain niveau de médiocrité, moi, je sais plus quoi dire.

On notera, parce qu’on a l’esprit mal tourné, que les trois premiers orateurs ont annoncé plusieurs chiffres, notamment sur le taux de satisfaction des habitants de Perpignan, en étant très cohérents entre-eux. Avec André Bonet ce ne fut pas le cas.
Ce mec est hors concours !

Le patron monte sur scène

Loulou, c’est pas vraiment une rock star. Il nous fait donc une entrée de vedette des années 70, sur le retour. La sortie sera du même acabit.

Pendant une heure, en rappelant à plusieurs reprises qu’il ne voulait pas y passer la soirée (peut-être parce que l’Olympique lyonnais jouait en ligue Europa ce soir-là ?), monsieur le maire a martelé les éléments de langage qui constituent la défense du RN : complot fomenté par des juges de gauche, absence d’enrichissement personnel, travail par essence politique des attachés parlementaires. Après cette petite heure, les militants et les sympathisants sauront exactement quoi dire face aux opposants et au petit peuple.
L’évangile doit être porté.
Il sera porté.

Le discours est correctement structuré.
D’abord, Louis Aliot attaque sur l’instabilité du monde moderne (merci Trump et Poutine). Instabilité face à laquelle il faut défendre les intérêts de la France. Évidemment ses intérêts ont été mis à mal par la construction européenne, la gauche qui a trahi le peuple (« les sans dents » ça vous parle ?), et une droite qui n’a pas « remis les pendules à l’heure ».
La tripartition de la vie politique est bien mise en avant. L’analyse est lucide, c’est elle qui empêche l’arrivée au pouvoir du RN. Les attaques contre les membres de la Macronie qui ont appelé à voter NFP ou qui ont eu le soutien du NFP en 2024 pleuvent.

Message de Marine Le Pen
Message de Marine Le Pen

De fil en aiguille, en s’appuyant sur une vidéo de Marine Le Pen et une autre de Jordan Bardella, la logique se dessine parfaitement. La France est menacée, notamment dans le cadre d’une guerre économique mondiale, tous les partis ont trahi d’une manière ou d’une autre, le dernier et seul rempart est le RN. Le système s’est donc défendu en cherchant à empêcher Marine Le Pen d’accéder au pouvoir en 2027. Après le procès en appel les leaders du RN nous parleront peut-être de l’État Profond.

Pour finir, Louis Aliot rentre un peu dans les détails de la défense du RN. Les attachés parlementaires sont là pour effectuer un travail politique, les pratiques qui sont reprochées au RN sont donc somme toute la norme. De nombreux juristes ne comprennent pas la décision (il ne citera que Pierre Avril). Un extrait d’interview de François Bayrou viendra clôturer cette séquence.

La touche finale consistera à rappeler que l’objectif reste la victoire en 2027, sans quoi la France ne s’en sortira pas dans ce « monde de prédateurs ».

Analyse

Deux éléments m’ont marqué dans ce discours. D’abord le refus d’avancer des arguments juridiques, ce qui, me semble-t-il, devrait être le cas lorsque l’on analyse une décision de justice. Ensuite un vocabulaire et des références qui laissent penser que l’envie de faire société, tant à l’échelle locale que nationale ou internationale, n existe pas au sein du RN.

Loi de Brandolini en guise de programme

La loi de Brandolini stipule qu’il existe une asymétrie entre la quantité d’énergie nécessaire pour affirmer une chose fausse et celle nécessaire pour prouver que cette affirmation est fausse.
Déclarer que la décision du 31 mars 2025 relève du procès politique ne prend que quelques instants. Lire les 154 pages de la décision prend une ou deux heures. Comprendre la décision nécessite une formation en Droit de plusieurs années.
À aucun moment les responsables du RN n’ont précisé que l’exécution provisoire de la peine d’inéligibilité est liée à un « risque de récidive ». Ils préfèrent s’offusquer de la critique de la défense des avocats de Marine Le Pen qu’a émis la cour dans ses motifs.
Louis Aliot n’a pas cherché à informer ses partisans. Il a juste cherché à propager des informations totalement fausses, en sachant que celles-ci tourneront pendant plusieurs semaines et serviront à renforcer la cohésion de son camp.
Le procès est politique ! Les élus, les militants et les sympathisants n’ont pas besoin d’en savoir plus.

Dans le cadre d’une affaire judiciaire au final sans grande importance, Marine Le Pen reste la patronne du parti et sera candidate en 2032 dans le pire des cas (avec sans doute de bien meilleures chances de succès après 5 ans supplémentaires d’extrême centre), c’est finalement peu important et sans trop d’incidence.
Le vrai problème est que cette méthode est utilisée pour tous les sujets importants, par la plupart des partis d’ailleurs. Un débat de fond devient donc impossible. Ce qui nuit gravement à la démocratie, que Louis Aliot prétend vouloir défendre.

L’incapacité à faire société mise en avant

Les mots ont un sens et les champs lexicaux aussi. Louis Aliot a choisi un registre anxiogène. D’emblée il parle d’instabilité mondiale et de guerre économique. Pour critiquer la gauche il emploie le mot « collaboration ». Outre la référence au pétainisme et à la déportation des juifs, cela lui permet de définir des camps dans la guerre à venir.
Plus subtil, lorsqu’il s’émeut de « la possible disparition de la France que nous avons connue », il bafouille lorsqu’il affirme que les Français et les étrangers vivants en France ont à y perdre. Il lui faudra trois tentatives pour finalement dire « l’ensemble des populations qui vivent en France ». Immigrés et étrangers semblent des mots tabous.
La situation actuelle est décrite comme « une dictature qui ne dit pas son nom ». Le monde est rempli de prédateurs qui empêchent la France et l’Europe d’être libre.
Et lorsque Louis Aliot a besoin de convoquer une référence intellectuelle, il cite Joseph de Maistre, en précisant bien qu’il s’agit d’un contre-révolutionnaire :

« Toute nation a le gouvernement qu’elle mérite. De longues réflexions, et une longue expérience payée bien cher, m’ont convaincu de cette vérité comme d’une proposition de mathématiques. »

En clair, si les Français ont un « agité » à l’Élysée, c’est parce qu’ils sont stupides. Certes la presse n’aide pas. Même les Français sont des veaux.

Louis Aliot, l’air de rien, se permet même de la liste des méthodes pour « éradiquer les adversaires », en commençant par le « coup de fusil ».
S’il corrige le tir rapidement, sentant sans doute que sa blague est de mauvais goût, en expliquant que les responsables du RN sont sous protection policière, il oublie de préciser que la juge qui a condamné Marine Le Pen est aussi menacée de mort et sous protection policière.

À aucun moment, Louis Aliot ne semble chercher à apaiser le débat. L’envie du combat est trop forte. La violence, verbale ou physique, évacue par essence le débat, qui est le contraire étymologiquement et historiquement du combat.
Louis Aliot pense fédérer son camp dans la peur de l’autre et emploie un vocabulaire anxiogène qui pourrait sombrer dans le bellicisme facilement.

Clairement, il ne cherche pas à faire société. Il ne cherche pas à unir.
Ce qui est finalement ce que l’on peut attendre d’un homme clairement d’extrême droite.

Conclusion

Le meeting a été peu couvert par la presse locale. C’est un lancement de campagne sans trop d’envergure ou d’ambition. S’il n’est pas un échec comme le rassemblement de Paris le dimanche 6 avril, ce n’est pas non plus un franc succès.
Louis Aliot a rassemblé ses fidèles, sans plus. Il se contente de montrer qu’il est l’homme fort à Perpignan.
Mais dans une ville désertée par la gauche de longue date et où la droite est en cours d’effondrement, ce n’est pas non plus une sacrée démonstration.

La campagne est officiellement lancée.
Elle sera insipide.

Liens et sources

  1. Analyse de la condamnation de Marine Le Pen sur le site « le club des juristes » : https://www.leclubdesjuristes.com/justice/condamnation-de-marine-le-pen-des-motivations-qui-font-debat-10159/

  2. Télécharger la décision de justice : https://www.simonnetavocat.fr/jugement-marine-le-pen-en-entier-pdf-affaire-des-assistant-parlementaires/

  3. Article à propos du meeting de Louis Aliot sur le site ouillade.eu : https://ouillade.eu/agenda/perpignan-reunion-publique-cinq-cents-personnes-autour-du-maire-louis-aliot-rn/315381

  4. 200 personnes pour « défendre l’État de droit » : https://www.lindependant.fr/2025/04/12/200-personnes-pour-defendre-letat-de-droit-a-perpignan-le-rn-doit-respecter-les-lois-comme-tout-un-chacun-12633321.php

  5. La fiche Wikipédia de Pierre Avril : https://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_Avril_(juriste)

  6. La fiche Wikipédia sur la loi de Brandolini : https://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_de_Brandolini

  7. La fiche Wikipédia sur Joseph de Maistre : https://fr.wikipedia.org/wiki/Joseph_de_Maistre

Commentaires

Une réponse à “Louis Aliot lance sa campagne 2026”

  1. Avatar de bonnel

    Merci pour ce compte-rendu. Il évite de se rendre sur place; d’ailleurs je ne serais pas allé voir Aliot… ça vole bas au RN…

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