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  • Projet d’aménagement des berges de la Basse

    Dans le cadre de la participation du public par voie électronique (PPVE) concernant le projet d’aménagement des berges de la Basse, j’ai envoyé à la préfecture mes observations.

    Le billet suivant reprend l’intégralité de ces observations.

    Le dossier pour la PPVE est disponible à cette adresse : https://www.pyrenees-orientales.gouv.fr/Publications/Enquetes-publiques-et-autres-procedures/Enquetes-et-consultations-publiques/PPVE-Projet-d-amenagement-des-berges-de-la-Basse

    Télécharger la version PDF des observations  : https://blog.philippe-poisse.eu/wp-content/uploads/2025/07/observations-berges-de-la-Basse.pdf


    Madame, Monsieur

    Dans le cadre de la PPVE concernant le projet d’aménagement des berges de la Basse, je vous fais part de mes observations.
    Je suis opposé à ce projet pour les raisons que je développe dans le texte suivant.

    Sur la méthode

    Le premier point qui saute aux yeux lorsque l’on analyse ce projet, c’est l’absence de demande de la part des Perpignanaises et des Perpignanais pour cet aménagement.
    Une première version, très proche de l’actuelle, a déjà été présentée fin 2021. Elle avait à l’époque été largement rejetée, que ce soit par les associations ou par les habitants.
    En 2025, le rejet devrait être le même.

    Le dossier ne comporte aucune étude sur la mobilité, sur l’impact de la piste cyclable sur la part modale du vélo, ni sur le financement du projet.
    La lecture du dossier ne permet pas de savoir quels sont les objectifs de la municipalité pour la mobilité dans le centre-ville, ni si l’investissement est important ou non. Il est donc difficile de se faire un avis sur la pertinence du projet.
    De plus, comme à son habitude, la municipalité ne semble pas avoir réalisé un bilan carbone pour ce projet. En 2025, cette absence interroge.
    Le projet ne semble donc reposer sur rien de sérieux.

    Pour finir, il est clair que la municipalité n’a pas cherché à associer les associations et les habitants pour bâtir ce projet. Les défauts évidents qui le caractérisent auraient pu être évités si le montage avait été réalisé autrement qu’en catimini. En 2025 il serait bon que la municipalité de Perpignan accepte de travailler avec les habitants.

    L’analyse, sur la forme, de ce projet d’aménagement des berges de la Basse laisse penser qu’il s’agit simplement d’un outil de communication que la municipalité dégaine à un an des élections municipales. Elle ne semble pas réellement se soucier du fond, qui est, lui, clairement une insulte à l’intelligence des Perpignanaises et des Perpignanais.

    Sur le fond

    Accessibilité limitée

    Le premier point qui saute aux yeux à la lecture du dossier est le manque de réelle prise en compte des Personnes à Mobilité Réduite (PMR). Les aménagements ne sont pas pensés pour eux. Notamment au niveau de la séquence 1. Les accès sont en effet principalement des escaliers, les personnes en fauteuil roulant ne pourront donc pas les utiliser. Aucun ascenseur ne semble prévu, sans doute pour des raisons de coût financier.
    À la lecture des plans et des descriptions il ne semble pas que les deux rampes soient correctement pensées pour les PMR. Elles sont très longues, plusieurs dizaines de mètres, et rien n’indiquent qu’elles disposent de palier de repos. Les PMR auront obligatoirement besoin d’assistance pour les monter. Ce problème pourrait être facilement réglé par le porteur de projet, mais il ne semble pas s’en soucier.
    En 2025, c’est totalement inacceptable !

    Les familles avec des poussettes ne pourront accéder à la séquence 1 que depuis la rampe Courteline, ce qui peut être un problème pour les familles venant du centre-ville. Des ascenseurs devraient équiper à minima la porte Catalogne et la porte Castillet.

    Ce refus de travailler l’accessibilité des berges de la Basse montre bien qu’il n’y a pas eu de réflexion sur le public visé. Sur ce point le projet est à revoir totalement.

    Un cheminement déjà existant

    Entre 2022 et 2023 des travaux d’aménagement ont eu lieu rue Jean Payra et sur le pont Joffre. L’un des objectifs de ces travaux était de réaliser un cheminement cyclable permettant de rejoindre la rive gauche de la Têt depuis le centre-ville en toute sécurité.
    Cet aménagement a été livré au printemps 2023 (article de l’Indépendant sur le sujet : https://www.lindependant.fr/2023/03/24/perpignan-la-nouvelle-rue-jean-payra-livree-la-semaine-prochaine-dautres-chantiers-continuent-11086172.php). Ces travaux auraient déjà coûté près de 1,2 million d’euros et la piste est parfaitement fonctionnelle. Créer un nouveau cheminement n’apportera rien pour les cyclistes. En effet le gros de la circulation est sur un axe nord-sud, non sur un axe est-ouest. Les cyclistes qui franchissent la Têt en venant du centre-ville cherchent principalement à rejoindre le nord de Perpignan, et non pas l’est ou les communes comme Bompas. D’ailleurs, aucune analyse du trafic n’est fournie dans le dossier. La municipalité ne justifie aucunement de l’utilité de cette piste.

    Le coût des travaux pour la création d’une sorte de tunnel au niveau de l’actuel rond-point de la Basse ne se justifie pas à la vue du peu d’utilité du nouveau tracé. L’abandon de ce projet serait favorable aux finances publiques et aux contribuables.

    Risques pour la sécurité des usagers

    L’aspect sécurité n’a pas non plus été très travaillé.
    La piste doit être bidirectionnelle (les cyclistes doivent pouvoir se croiser) et partagée entre les cyclistes et les piétons. Or, comme il s’agit d’un axe de transit pour les cyclistes, ceux-ci auront tendance à rouler vite. S’ils empruntent cet itinéraire c’est pour gagner du temps. La cohabitation avec des piétons qui ne seront là que pour flâner sera très compliquée. L’espace pour les cyclistes et l’espace pour les piétons doivent être séparés pour des raisons de sécurité. D’après les plans présentés, ce n’est pas le cas.

    On notera aussi que le bord des berges ne semble pas être protégé par des rambardes. Rien ne semble être prévu pour empêcher d’éventuelles chutes.

    Un problème de vision de la ville

    D’une certaine manière ce projet et sa critique sont une nouvelle forme, locale, de l’opposition philosophique entre la vision du Corbusier et celle d’Henri Lefebvre.
    La municipalité, qui a déjà montré son appétence pour un « urbanisme de l’espace abstrait », lance donc un projet sans vision pour la ville. Le projet d’origine, présenté en 2021, consistait en un simple trait dessiné au feutre sur une carte de Perpignan. Cette nouvelle version est à peine plus réfléchie.
    La municipalité ne semble pas être capable de trancher sur la fonction première des berges de la Basse. Est-ce une zone que l’on observe, sans y toucher, comme cela est censé être le cas au niveau du quai Vauban, ou bien un lieu de passage, avec une piste cyclable ?
    S’il s’agit d’un lieu à observer, le projet d’aménagement n’a aucun sens.
    S’il s’agit d’un lieu permettant aux cyclistes et aux piétons de passer, en raccordant plusieurs quartiers de la ville, le projet d’aménagement doit être revu en profondeur.

    Nantie d’une vision « technocratique », la municipalité pense la ville comme un espace qui doit être parfaitement ordonné, rationalisé. Elle nie toute possibilité à l’espace d’être socialement construit. Les deux « placettes » sont imposées arbitrairement, sans qu’aucune justification ne soit fournie. Les gens se poseront là où la municipalité veut qu’ils se posent. Pas ailleurs ! Le concept de « ligne de désir », pourtant très bien documenté en urbanisme, semble étranger à ceux qui ont décidé de cet aménagement.

    En l’état, ce projet d’aménagement des berges de la Basse ressemble fort à une sorte de lubie. Un besoin de descendre boire un verre sur le gazon, au bord de l’eau, sans risquer une contredanse. Au vu du coût annoncé, c’est une lubie qui va peser lourd sur les finances publiques.

    Cordialement
    Philippe Poisse
    Perpignan, le 24 juillet 2025


    Sources et liens