Illivichville sur Têt

Je ne suis pas un pro-vélo, pas plus qu’un pro-marche. Question mobilité je serais plutôt un pro resté-au-lit. Par contre je suis un anti-bagnole.
Mais plutôt d’un modèle « sophistiqué ».
Je ne dégonfle pas les pneus des SUV. Je serais plutôt du genre à me pointer dans des débats publics et donner mon avis. Et j’ai un avis sur tout.
C’est bien ça le problème.

Problèmes

Transparence

« Le problème c’est pas la motorisation, le problème c’est la bagnole. »
Une fois qu’on a dit ça, on a un peu fait le tour de la question. La voiture c’est un peu comme le capitalisme, on ne négocie pas avec, on ne l’amende pas. On tire dans le tas, sans sommation.
Le truc c’est qu’il faut d’abord réfléchir à quoi servent les voitures, à qui elles servent et à quand est-ce qu’elles servent.
Bref, l’analyse du réel doit être le point de départ de toutes analyses. Et niveau analyses et études, ça pêche un peu dans le coin.
Bien sûr la mairie paye des gens à pondre des rapports. Rapports qui ne sont jamais rendus publics.
Bien sûr les bureaux d’urbanisme encaissent l’argent des marchés publics.
Bien sûr le mystère est révélé aux initiés.
Bien sûr nous eûmes des orages, vingt ans d’amour c’est l’amour fol.
Mais, est-ce une raison pour prendre son bagage ?
Un paquet de gens me répondront que le travail est fait, que je raconte n’importe quoi parce que je ne suis au courant de rien. Et je leur répondrais, tranquillement : vous avez raison, je ne suis au courant de rien !
Et je rajouterai : je ne suis au courant de rien parce que vous êtes trop cons pour publier quoi que ce soit !
Ceux qui prétendent affirmer le contraire seront priés de me fournir les URL.

Échelle

L’aire urbaine de Perpignan c’est plus de 320 000 habitants répartis sur 66 communes. La ville centre représente 39 % du total, et son poids relatif diminue au fil du temps.
Le taux d’équipement en automobiles est aussi plus faible à Perpignan qu’en périphérie. Les voitures appartiennent donc majoritairement à des banlieusards.
Piétoniser le centre-ancien de Perpignan, c’est-à-dire l’hypercentre de l’aire urbaine, ne changera pas grand-chose au niveau global. On piétonise et on vélocise pour les hyper-centriens, on garde la bagnole pour les autres.
Choisi ton combat camarade !

Situation

Méthodes

On a donc une relation forte entre usage/besoin de la voiture et morphologie urbaine.
Il n’y a donc que comportements possibles :

  1. Raser une bonne partie des villages et reconstruire intelligemment.
  2. Attendre la crise et les émeutes urbaines.
  3. Convaincre les gens de la pertinence du changement.

La première méthode coûte cher ; la deuxième méthode plaît aux décideurs locaux mais offre l’assurance de mal finir ; la troisième méthode, qui est la plus judicieuse, ne semble convenir à personne dans le coin.

Blocages

Pourquoi la troisième option, qui paraît la plus pertinente, ne séduit pas ? On peut avancer plusieurs hypothèses, qui ne s’excluent pas forcément :

  • La certitude d’avoir raison, qui empêche d’aller vers les autres, ou, plus crûment : J’ai raison, vous avez tort, et j’ai pas besoin de vous expliquer pourquoi !
  • L’incapacité à appréhender les différents opinions sur un même sujet. En gros, l’incapacité à appréhender le fait que lorsqu’un groupe considère une idée comme universellement partagée, elle ne l’est au final que par les membres du groupe en question. Le reste de l’humanité ayant des avis différents sur le sujet.
  • L’engagement des bénévoles, membres des associations qui prônent les mobilités douces, tire sa source de motivations égoïstes. On veut des pistes cyclables non pas pour favoriser la sortie de la dépendance aux hydrocarbures, mais parce que l’on a des enfants qui font du vélo en ville et qu’il faut qu’ils soient en sécurité.
  • Le temps et l’énergie nécessaires pour expliquer et convaincre du bienfait de la Transition est très conséquent. Pour citer la loi de Brandolini, qui s’applique bien ici, « La quantité d’énergie nécessaire pour réfuter des idioties est supérieure d’un ordre de grandeur à celle nécessaire pour les produire. ». Face à cet effort, beaucoup de gens lâchent vite.

Au final

Ces 4 blocages ont une matérialité forte dans le paysage de la plaine du Roussillon. Cette matérialité n’est autre que les nombreuses rocades qui parsèment la plaine.
L’incapacité à bâtir un discours sur ce que doivent être les politiques publiques d’aménagement du territoire et de mobilité d’ici 2050 coûte cher. Que ce soit d’un point de vue financier – le prix des routes –, d’un point de vue socio-économique – le mouvement des gilets jaunes a démarré suite à un projet d’écotaxe – et environnemental – ces projets sont horriblement polluants.
Une fois bâtis, ces discours doivent être portés, mais ils doivent aussi s’incarner dans des luttes concrètes. Ces luttes doivent se tenir simultanément à l’intérieur et à l’extérieur des institutions.
Seul ce mélange entre luttes et discours peut permettre de rendre le changement acceptable pour le plus grand nombre.
L’absence localement de groupes réellement investis dans ces luttes et capables de porter ces discours freine la Transition.
Il faudra y remédier.

Sources

Illichville, la ville sans voiture : http://carfree.fr/index.php/2008/02/02/illichville-la-ville-sans-voitures/

La loi de Brandolini : https://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_de_Brandolini

 

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