Les bons comptes font les bons ennemis

Je ne reçois pas toujours tous les messages et je ne m’en soucie que rarement, c’est assez logique que certaines informations m’arrivent en retard.
Ce n’est donc que mi-mai que j’ai appris qu’au sein de l’Alternative ! Il est possible de taper dans la caisse.
Enfin, si on est tête de liste.

Les faits

Le samedi 30 novembre 2019 Caroline Forgues a été élue tête de liste de l’Alternative !
Des 9 têtes de listes en lices à Perpignan, c’est la seule dont la désignation procède d’une démarche publique et démocratique.
De ce fait elle dispose alors d’un poids symbolique très fort au sein de la coordination qui gère l’Alternative !
Max Weber nous parlerait de « domination charismatique ».
Aussitôt une personne, membre de Génération.s, convainc la tête de liste qu’elle a besoin d’une aide pour tout ce qui touche aux relations avec la presse et que, du fait de son expérience professionnelle, elle peut être cette aide.
Malheureusement, à l’inverse de tous les autres adhérents des partis politiques et des associations soutenant la liste, ou à l’inverse des simples citoyen·nes qui se sont engagé·es dans l’Alternative !, cette personne ne peut pas intervenir bénévolement.
Il faudra la payer 2 000 € !
Mi-janvier la tête de liste présente à la coordination un devis de 2 000 €.
On passera sur la surprise et la colère des membres de Génération.s qui découvrent alors cette affaire très brutalement.
La prestation n’est pas jugée sérieuse, elle est aussi trop chère aux yeux de certains membres de la coordination qui proposent des solutions alternatives. Mais surtout le procédé est jugé immoral.
Le devis est refusé à l’unanimité.
D’une certaine manière la démocratie interne a parlé.
La décision fut accompagnée d’engueulades et de mini-drames. Toute personne sensée en serait restée là.
Mais l’histoire ne s’arrête pas pour autant.

Après avoir quitté Génération.s notre conseillère en communication a continué son travail de sape auprès de la tête de liste. Avec plus de discrétion toutefois.
Le travail de conseil est réalisé en dehors du cadre de l’Alternative ! Il est donc difficile de l’évaluer.
Toujours est-il qu’en mars, dans la dernière ligne droite, la tête de liste remet le devis sur la table.
2 000 € pour 4 semaines d’un travail d’attachée de presse.
La tête de liste, qui ne dispose d’aucun argument rationnel, se contente d’une crise de nerf, d’un caprice « hors sol » pour employer la sincère expression d’un témoin, pour forcer la coordination à se déjuger et à accepter de payer une prestation dont elle doute de l’effectivité.
L’attachée de presse sera payée, la tête de liste refusera des interviews parce « elle n’est pas prête » et l’Alternative ! fera 6,5 % au premier tour.

Accessoirement la communication, plutôt bien rodée d’août à janvier, se délitera petit à petit pour finir par voir la mise en ligne le vendredi 13 mars, à deux jours du vote, de vidéos filmées de profil assez surréalistes et contre-productives.

Il est où le problème ?

Comme une pièce de monnaie le problème a un côté pile et un côté face.
Ça serait trop facile autrement et personne n’aime la facilité. N’est-ce pas ?

Si on suit un peu la politique, côté affaires judiciaires, on sait que les comptes de campagnes sont souvent au cœur de scandales.
Le mécanisme de financement des listes permet de détourner de l’argent au profit de proches assez facilement. Mais lorsque l’on prétend incarner le changement et que l’éthique et la transparence sont des leitmotivs, on se doit d’être doublement vigilant sur la gestion du budget.
Les ressources de l’Alternative ! ont été constituées grâces aux dons de personnes ayant foi en cette démarche. La grande majorité d’entre elles sont des personnes aux revenus modestes. Des allocataires du RSA ont même participé financièrement.
Lorsque l’on prétend à une démarche qui défend les plus faibles, la moindre des choses est de ne pas gaspiller leur argent bêtement.
Les donateurs doivent disposer d’un droit de regard sur la destination de leurs dons. En français dans le texte ça s’appelle la « transparence ».
Ça c’est pour le côté pile.
Passons au côté face.

Issue de Nou-s Perpignan, Caroline Forgues prétend appartenir à la mouvance du « municipalisme libertaire ». Certes le mot libertaire n’apparaît pour ainsi dire jamais dans ses prises de parole. Ce qui peut interroger sur la sincérité de sa démarche.
Le problème du municipalisme c’est qu’il impose une grande exigence morale. Et les promoteurs de cette vision du monde ont généralement tendance à être très critiques vis-à-vis de ceux, personnes ou organisations, qui n’adhèrent pas à la démarche.
Le municipalisme libertaire impose un respect des décisions démocratiques, un respect de l’intelligence collective. Le principe « Une personne Une voix » est extrêmement contraignant, car il signifie « pas de traitement de faveur ».
Aussi importante soit-elle, la tête de liste, dans une vision municipaliste et libertaire, ne peut pas imposer des décisions au collectif en fonction de son bon plaisir.
La démarche de l’Alternative ! a poussé les partis politiques l’ayant soutenue à accepter certaines règles de démocratie participative nouvelles pour eux.
Voir la tête de liste s’opposer à une décision démocratique, parce qu’elle ne convient pas aux intérêts financiers d’une de ces proches, ne pouvait qu’être source de tensions.
Et à l’arrivée, un mois et demi plus tard, le 4 mai, notre chère tête de liste congédie les partis politiques par un simple mail, après que certaines membres de sa « cour » les ont accusés d’être responsable du mauvais score.
Les errements de la communication dans la dernière ligne droite, notamment le discours sans intérêt lors du meeting du Méga-Castillet, seront passés sous silence.

Le projet de manifeste qui sera présenté quelques jours après le communiqué annonçant le départ de la FI sera assez explicite. Les partis en tant que tel ne sont pas particulièrement les bienvenus. En effet « le municipalisme doit se construire hors partis ».
On notera que le mot « libertaire » n’apparaît même pas.
Ce qui n’est en rien une surprise, l’Alternative ! n’étant municipaliste que dans les paroles.

Je terminerai cette section avec une petite citation Étienne Roda-Gil : « La Pensée libertaire n’est pas un fourre-tout où n’importe quel médiocre peut trouver un onguent pour les plaies que la société autoritaire lui inflige. »

Prébendiers et sinécures

La question que l’on peut se poser est : comment peut-on en arriver là ?

N’importe qui de sensé sait bien que dès que l’on arrive à un poste de décision et que l’on a un budget à gérer des « courtisans » viendront réclamer des sinécures et des prébendes.
Savoir s’entourer et éviter les personnes toxiques est difficile. On peut toujours se protéger en s’éloignant des « ami·es » de fraîche date, qui pourront nous aider mais moyennant finance.
Un peu de paranoïa et de bon sens suffisent normalement.
En clair il n’y a que deux explications possibles :
— la bêtise
— l’absence de morale

Dans le premier cas on se fait avoir par plus malin que soi.
Dans le deuxième cas on a bien compris la manœuvre et on la cautionne.
Dans les deux cas on montre que l’on n’est pas apte à représenter le « monde d’après ».
Après tout, en tant que citoyen, on est en droit d’attendre des dirigeants qui portent l’espoir de changement qu’ils soient un minimum malins et un minimum honnêtes.

Et maintenant

La combine est redoutable en fait.
D’abord le montant est faible. 2 000 € c’est finalement peu, sauf si comme une forte proportion des perpignanais on vit des aides sociales.
Une condamnation en justice est peu probable.
De plus en cas de procédure judiciaire une invalidation des comptes est toujours possible. Dans ce cas les donateurs ne seraient pas remboursés. Les donateurs étant plutôt des gens aux revenus modestes, il serait dommage qu’ils soient lésés dans l’affaire.
Et puis, argueront certains, il s’agit d’une faute collective, la coordination a fini par dire oui. Elle n’avait qu’à tenir bon. Bref tout le monde est coupable.
Et dans le fond il s’agit d’une prestation difficile à évaluer. Il sera difficile de rédiger un rapport d’activité permettant d’établir la réalité du travail facturé.
La défense de cette escroquerie est finalement facile à mettre en place.

En somme, à part dire que l’on est choqué par le manque de morale de la tête de liste de l’Alternative ! il n’est pas possible de réellement réagir.
Accessoirement on pourra aussi ne pas voter pour cette liste ou ses candidats.

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