Monnaie locale complémentaire et TVA

Lors de recherches nocturnes sur le Web (qui vient d’avoir 25 ans) je suis fréquemment tombé sur une idée certes intéressante mais fausse : l’utilisation d’une monnaie locale complémentaire permet de s’affranchir de la TVA.
Histoire de remettre les choses à leur place, voici un petit rappel de la situation en France.

« Monnaie complémentaire » contre « monnaie concurrente »

Dès que l’on parle de monnaie locale complémentaire (MLC) et qu’on touche un tant soit peu à l’informatique il se trouve toujours quelqu’un pour vous parler du Bitcoin. En général les trolls c’est chiant, mais dans le cas présent c’est utile. Comme quoi, tout arrive.
Le Bitcoin est une monnaie concurrente, en ce sens qu’elle s’oppose au système monétaire actuel. L’écosystème du Bitcoin se veut sans banque, sans État, pair à pair et plus ou moins déflationniste, le nombre de Bitcoin étant par nature et arbitrairement limité.
Dans l’absolu libeller ses opérations en Bitcoin devrait permettre de s’affranchir des règles comptables et fiscales locales.
En pratique c’est un poil différent.

Monnaies locales complémentaires et systèmes d’échanges

Les systèmes du type « système d’échange local » (SEL) ou du type « jardin d’échange universel » (JEU) différents des MLC sur un point fondamental : ils excluent les activités professionnelles. En théorie les seules personnes morales pouvant y participer sont les associations et pour des activités ne pouvant pas être réalisées par des salariés. En gros une association pourrait « rémunérer » ses bénévoles de cette manière.
Pour une personne morale ne pouvant faire appel au bénévolat (entreprises, collectivités territoriales) ces systèmes ne sont pas fonctionnels dès que la part de travail de préparation devient importante ou que des éléments comme la formation des salariés rentrent en compte. Le temps de travail « effectif » n’étant souvent qu’un des éléments du prix. Dans certains cas il peut même n’être qu’un élément subsidiaire.

Fonctionnement pratique

La législation française concernant les obligations des personnes morales vis-à-vis de la TVA prévoit deux grands cas : la franchise de TVA et l’assujettissement à la TVA.

Franchise de TVA

La page sur la franchise de TVA sur le site du gouvernement : http://vosdroits.service-public.fr/professionnels-entreprises/F21746.xhtml#N10089
La franchise de TVA est prévue par la loi. Les textes sont assez simples. Une entreprise en franchise de TVA doit indiquer sur ses factures la mention suivante : TVA non applicable – article 293 B du CGI.
Pour ceux qui ne connaîtraient pas le sigle « CGI » je rappelle que ça signifie « code général des impôts ».
Je passe sur les détails pratiques, si vous êtes une entreprise vous avez déjà un comptable et un avocat. Sinon je vous conseille d’en trouvez rapidement.

Assujettissement à la TVA

Il s’agit du cas ordinaire pour ce qui touche à la TVA. En théorie toute entreprise est assujettie à la TVA. La monnaie dans laquelle sont libellées les opérations comptables ne rentre pas en compte.
Par exemple les entreprises faisant de l’import/export travaillent souvent dans plusieurs zones monétaires sans que cela pose de problèmes en termes de déclaration de TVA.
Dans le cas des MLC l’entreprise déclarera les opérations de façon classique, la MLC étant adossée à l’Euro et ayant une parité fixe.
Tout pour ce qui touche à la déclaration de TVA il n’y a aucune différence.

Petites réflexions

Ce qui est vrai pour la TVA est vrai pour les cotisations sociales et pour le chiffre d’affaires, voire le bénéfice. Toutes les transactions réalisées en MLC doivent être comptabilisées, donc elles sont soumises à tous les prélèvements obligatoires.
Qu’on apprécie ou non le système, tant que l’on est dedans on se plie à ses règles.
De plus le mécanisme des MLC, c’est-à-dire le traçage des opérations par l’association émettant la monnaie, permet facilement au Trésor Public, à l’Urssaf et au RSI de remonter les opérations et d’engager des procédures le cas échéant.
Une entreprise voulant minorer son chiffre d’affaires en MLC fraude deux fois. Une fois vis-à-vis de la puissance publique et une fois vis-à-vis de l’association gérant la MLC.
Si la première fraude ne regarde pas (trop) l’association, la deuxième est un motif d’exclusion. Cela peut aussi s’accompagner de poursuite, l’entreprise ayant signé la charte des valeurs, rempli les formalités d’agrément et s’étant engagée sur une vraie transparence.
Et en plus, dans un petit réseau ce genre d’histoire c’est pas bon pour le commerce.

Commentaires

1. Le lundi, juillet 11 2016, 18:30 par Scama

Petites remarques : Un les commentaires ne fusent pas. Deux, suivant le smart utilisé la présentation pose de gros soucis de
lecture S C A M A

2. Le dimanche, décembre 10 2017, 11:09 par latanouch

Monsieur,
Je cherche à mieux comprendre les monnaies locales et à faire le tri entre les informations contradictoires que l'on peut voir sur internet !
Merci pour ce que vous avez écrit sur la tva et les monnaies locales !
j'ai lu que la monnaie locale faisait doubler le montant d'argent en circulation, est-ce exact ? A savoir que quand on change 100 euros en Euskos par exemple, nos 100 euros vont servir à des prêts aux entreprises locales et on aura 100 euskos à dépenser, soit 200 euros en circulation.
Merci pour votre retour. Cordialement. Tania Fabre

Ajouter un commentaire

Le code HTML est affiché comme du texte et les adresses web sont automatiquement transformées.

La discussion continue ailleurs

URL de rétrolien : http://blog.philippe-poisse.eu/index.php?trackback/88

Fil des commentaires de ce billet