L'accessibilité avance à grand pas… mais vers où ?

Dans son numéro de mars-avril 2013, le Journal de Perpignan (l’organe de presse de la mairie) consacre une demi-page à l’accessibilité. À Perpignan, clairement, on a l’autosatisfaction facile. Ça finit même par en devenir risible.

Article du Journal de Perpignan sur l'accessibilité

Concordance des temps

La lecture de ce genre d’article est toujours intéressante si on s’attarde sur l’aspect grammatical du texte. « La France avait pris du retard » peut-on lire. Le rapport Campion sorti la semaine dernière dit très clairement que l’objectif de 2015 ne sera pas atteint. Un système dérogatoire permettra de repousser la date butoir à 2022.
Donc, l’usage du passé simple ne se justifie pas. Le présent est de rigueur.

Les travaux

J’ai le sarcasme facile, entre autre, mais l’association de « grand pas » avec une photo d’un homme en fauteuil roulant m’amuse. La photo de la mairie de la Lunette m’amuse moins. Si des bandes de guidages sont visibles, ce qui prouve que de temps en temps la mairie prend en compte l’existence des aveugles, un joli ressaut est aussi visible.
Toutefois il faudra aller sur place histoire de le mesurer de façon sérieuse. Il vaut mieux éviter d’accuser sans preuve.
Oui, j’ai aussi la mauvaise fois facile.

Mais la liste des travaux montre que la mairie, aussi, a la mauvaise fois facile. Prenons trois exemples.

Autour du tribunal :

Les travaux annoncés sont : réfection des revêtements ; abaissement des bordures ; élargissement du trottoir le long du quai de Lattre de Tassigny.
Certes la réfection a été réalisé (pour un résultat à l’esthétique douteuse) et ainsi que deux abaissés à l’angle de la rue Porte d’Assaut et du quai de Lattre de Tassigny ont bien été réalisé aussi. L’élargissement du trottoir n’a été effectué que sur une dizaine de maire.
Ce « point noir » avaient été signalé à plusieurs reprises par l’APF66, avec notamment un reportage de France3 en février 2012 (la vidéo est disponible à l’APF66).
En pratique aucun problème n’a été résolu. Seul l’accès entre la place Arago et le tribunal a été réalisé. Il est toujours impossible de faire le tour du tribunal en fauteuil roulant.
Si vous regardez la photographie illustrant l’article vous pouvez voir un panneau de stationnement interdit. Le trottoir a été élargi jusqu’à ce panneau. Après il est impossible de circuler en fauteuil.
Si au lieu de longer le quai vous désirez longer la rue de la Porte d’Assaut, au bout de quelques mètres vous devrez passer devant l’entrée du parking souterrain. Aucun abaissé de trottoir n’a été réalisé. Il faut dire que l’APF66 n’a jamais fait filmer ce ressaut, ni par TF1 (qui est venu en 2011) ni par France3.
La mairie a donc réagit au lieu d’agir.
Petite remarques sur cette photographie : aucune bande podotactile n’est visible. Ce qui est logique si on considère qu’aucune bande podotactile n’a été posée.

Autour de la Poste centrale :

Les travaux annoncés sont : abaissement des bordures du Pont de Guerre.
Certes les travaux ont été réalisés. Mais pour un résultat qui est presque pire que l’ancienne situation.
En effet comme les trottoirs n’ont pas été modifiés les pentes au niveau des abaissés sont plutôt fortes. Le devers est potentiellement dangereux, notamment pour une personne qui vient du jardin Terrus et qui voudrait se rendre directement place Jean Payra.
Là encore on a droit à des travaux à la va-vite qui ne règlent aucun problème.
Ces travaux ont été réalisé à l’automne 2012 car ces « points noirs » sont sur le trajet place de Catalogne Place Arago utilisé par l’APF66 pour sa communication (cf le reportage de France Bleue en février 2012).

École Ferry/Macé :

Les travaux annoncés sont : réalisation d’une rampe pour personnes à mobilité réduite.
Certes la rampe est bien là, même si ce n’est pas terrible au niveau des finitions. Je pense notamment au palier de repos qui n’est pas franchement plat. Comme cette école est un bureau de vote, le travail aurait pu être un peu plus propre. Mais bon.
Par contre il faut s’intéresser au trottoir.
Le long de la rampe, soit près de 20 mètres, il mesure moins de 90 centimètres de large. Sa largeur oscille entre 85 et 90cm. Merci les bordures en granit. Hors les recommandations du Certu et, accessoirement, la loi prévoient que la largeur doit être de 1 mètre 40. Pour un trottoir qui vient juste d’être refait ce manque de sérieux est risible.
Bon vous me direz que les PMR ne votent pas, donc, pas de soucis.
Petite anecdote, plus ou moins, amusante : en automne lorsque les feuilles des platanes tombent il est presque impossible de voir la limite du trottoir. Si la personne en fauteuil dévie un peu de sa trajectoire elle finit par terre, l’écart de niveau étant de plus de 12 centimètres.
Là encore le minimum a été réalisé sans se soucier de l’environnement.

Comment en arrive-t-on là ?

La premier chose à savoir sur Perpignan, pour reprendre l’expression d’un influent patron du coin, c’est que les Pyrénées-Orientales sont une île. Et une île totalement coupée du reste du monde.
Tenter de faire la comparaison avec Montpellier, la capitale régionale, amène toujours la même réponse : c’est pas pareil !
Bref, pendant que les autres bossent, ici on se permet de ne rien faire au motif qu’il est impossible de faire des comparaisons.
Ça marche aussi et surtout pour le développement socio-économique. En passant, vous saviez que le taux de chômage des travailleurs handicapés est beaucoup plus élevé ici que dans l’Aude ou dans l’Hérault ?
Le deuxième point est la limite du travail des associations qui se focalisent plus sur ce qu’en cartographie on appelle des Points of Interest (les point d’intérêts, POI).
L’APF66 a beaucoup travaillé sur ce concept ces 3 dernières années. C’est moi qui ait imposé l’utilisation des outils cartographiques. J’ai fini par en voir les limites.
Prenez Jaccede.com ou Wheelmap.org, que montrent leurs cartes ? Des POI, rien d’autres.
Hors à quoi sert de savoir qu’un commerce est accessible si il est impossible de s’y rendre ?
Les associations devraient passer à l’analyse des cheminements.
La mairie de Montpellier le fait déjà avec une carte des trottoirs accessibles.
Dernier point et pas le moindre, les associations ne savent pas communiquer. Et quand elle communiquent elles le font mal.
Le baromètre APF est sorti il y a 2 ou 3 semaines. Il n’est même pas téléchargeable sur le site dédié à l’accessibilité de l’APF66. Aucune référence n’y est faite dans le blog de la délégation.
Pour ce qui est de mettre la pression c’est pas terrible. Vous remarquerez qu’à part un proposition « farfelue » du CDC via Clotilde Ripoull aucun élu n’a réagit.
Et oui, quand personne ne communique sur un problème, c’est qu’il n’y a pas de problème.
À croire que certains ont décidé de se coucher devant les élus, voire les subventions.

Et après ?

En fin de semaine le bustram arrive. Ce Bus à Haut Niveau de Service (BHNS) se veut accessible. Les travaux de mise aux normes des arrêts ont commencer en janvier, pour un début d’exploitation en mars. Évidement la ligne n’est pas accessible, quoi qu’en disent certains.
Le bureau d’étude qui s’occupe des travaux fait du bon boulot. Au moins il a compris qu’il existe 4 handicaps, qu’ils sont aussi respectables les uns que les autres. Ça fait plaisir.
Par contre l’impréparation de PMCA fait peur.
Normalement la passerelle du théâtre de l’Archipel est prévue pour la fin de l’année. Là aussi on peut avoir des craintes.

C’est sûr que vu le travail des associations, qui ne se concertent pas et se critiquent si facilement, et le manque d’intérêt des autorités pour le handicap, la ville n’est pas prête d’être accessible.
Mais bon, tout le monde s’en fout, non ?

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